
Contexte de la trouvaille
Engourdi de sommeil après une pyjama party un peu arrosée, élégamment nourri par un ensemble de blinis et de bricks au thon déclinés en autant d'amuses-bouche initiateurs d'aérophagie, et violemment secoué à heure fixe par un chat amateur de caresses malsaines, c'est avec lenteur et difficulté que j'exécute mon rituel matinal (ablutions, borborygmes, thé, plaintes de courte durée mais répétées, remise en place de l'attribut viril...). Je suis tout à coup saisi d'admiration : ma partenaire de pyjama party, Mme E., apparait telle une madone, maquillée, petit short en jean et chaussures à scratch electro-pop, apparemment en forme, sans les " petits yeux " prédits, plutôt riante et souriante. Le plus éblouissant reste à venir : à peine cambrée, elle tend ses bras pour tirer les quatre coins de la couette, et tape avec la dextérité d'une grand-mère les oreillers en plume, leur redonne forme et volume. Les coussins s'animent, et à la question " je t'ai dit que nous avions ouvert un blog avec ma soeur sur les mots peu usités"? , son esprit en fait de même. Yeux grands ouverts, toujours armée du même coussin qui finit par prendre le pli, elle m'interpelle " ah , tu vas mettre orblute?". Elle s'explique : oui, c'est l'ancien nom de "phosphène". Aucune intuition.
La définition
Toujours d'après Madame E., l'orblute est un terme berrichon utilisé par Georges Sand dans "La petite Fadette". Il signifierait persistance rétinienne, une image qui reste gravée dans nos sombres prunelles, notamment après avoir fixé une source lumineuse. Elle en parle en fin de compte dans "Le Voyage en Espagne" en ces termes : "Cette croix et ce globe étincelant au coucher du soleil, se détachant sur un ciel plus bleu que je ne l'avais jamais vu, sont un spectacle que je n'oublierai jamais, et que je contemplais jusqu'à ce que j'eusse dans les yeux ces boules rouges et bleues que par un excellent mot, dérivé du latin, nous appelons (...) les orblutes. Ce mot devrait passer dans la langue moderne. Il doit avoir été français, quoique je ne l'aie trouvé dans aucun auteur. Il n'a point d'équivalent, et il exprime parfaitement un phénomène que tout le monde connaît et qui ne s'exprime que par des périphrases inexactes (...) Quand l'orblute est bien complète, elle vous représente exactement la forme de l'objet qui l'a causée ; c'est une sorte de mirage"
Les puristes préfèreront le terme en vigueur chez nos contemporains, qui désigne un phénomène pas tout à fait identique mais proche : le phosphène. Notre ami Wiki, - source confirmée par des dictionnaires de médecine tropicale svp ! - nous en donne la définition suivante : " Un phosphène est un phénomène interne à l'œil qui se traduit par la sensation de voir une lumière ou par l'apparition de taches dans le champ visuel (...) Ce phénomène survient normalement après fixation d'une source lumineuse ponctuelle, mais peut intervenir lors de troubles neurologiques, comme l'épilepsie ou la migraine ophtalmique, ou suite à la prise d'un psychotrope (médicament ou drogue hallucinogène)".
Comment briller en société
(à part pour le dernier jeu de mot - superbe - de cet article, veuillez noter que le terme "orblute" peut venir , pour ceux qui le souhaitent et qui aiment les bisexuelles à moustache, se substituer à phosphène)
Première évidence : vous ne pourrez donc pas à l'avenir parler vulgairement de "points noirs". Notons à ce titre la qualité assez médiocre de la blague répertoriée dans toutes les Bibles de l'humour " J'ai vu des points noirs / Tu as vu l'ophtalmo? / Non, des points noirs".
Seconde évidence : le conducteur avisé et érudit ne lancera pas à brûle-pourpoint un incendiaire "putain, il m'éblouit avec ses phares", mais " putain, il me colle des phosphènes, faut qu'il passe en feux de croisement!"
Troisième évidence : si vous avez des tendances "wesh-wesh" ("Racaille" ou "Caille " en banlieue parisienne, "Pich" dans l'arrière-pays de Montpellier) ou que vous êtes très simplement mauvais dragueur : un simple " t'es tellement bonne que tu me colles des phosphènes, tu m'éblouis grave" peut faire l'affaire.
Quatrième évidence (dédicace amateurs de foot) : " Dédé, c'est l'heure du blute en or!! ": fou rire garanti ! Ou pas.
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