
Le contexte de la trouvaille
La rédaction du Nouvel Observateur, plus littéraire et khâgneuse qu'il n'y paraitrait de prime abord, a jugé intéressant de nous gratifier sympathiquement dans un numéro de l'été d'un "quizz" version "grand test de l'été". Soucieux de tester notre culture générale après un échec en demi-teinte sur un magazine féminin proposant de reconnaitre des stars qui se cachent (derrière une combinaison couleur chair, un foulard, tête baissée, etc.), nous nous sommes armés de courage pour répondre en confiance s'il vous plait au "test de la langue française" de l'Obs. A priori, plutôt stimulant comme défi. C'est alors que le mot le plus jubilatoirement inutile a fait son apparition, inutile à plusieurs titres : dans l'incompréhension de sa définition et dans notre potentielle incapacité à en faire un usage sociétal. Ce mot désiré et désormais chéri sonne mal, n'est pas rond en bouche et est phonétiquement louche : HENDIADYN. Mais qu'est-ce donc qu'un hendiadyn? Le Nouvel Obs est plutôt laconique, on comprend vaguement le coup du procédé littéraire, je suis donc allé fouiller du côté des névrosés de la langue française. Je tiens à cet égard à remercier chaleureusement l'auteur du blog "Le Garde-Mots" qui éclaire nos lanternes de non-érudits.
La définition
Le terme viendrait "du grec hen dia duoïn, une chose au moyen de deux [mots]". C'est, d'après ce charmant blogger un " procédé qui consiste à dissocier en deux éléments une formulation qu’on aurait pu faire en un seul". Soit. Des exemples, des exemples !! Allons chercher chez les poètes :
- Respirer l’air du lac et la fraîcheur (Rousseau).
- Un temple rempli de voix et de prières (Lamartine).
- Penché sur l'onde et sur l'immensité (V. Hugo).
- Elle et ses lèvres racontaient (Eluard) (celui cité par le Nouvel Obs, quelle honte de citer toujours les mêmes auteurs!)
Charles Baudelaire pratiquait volontiers l'hendiadyn :
À cet agonisant que le loup déjà flaire
Et que surveille le corbeau,
À ce soldat brisé ! S'il faut qu'il désespère
D'avoir sa croix et son tombeau ;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire ! "
SOIT.
S'en suit une longue comparaison avec la schizophrénie, il est question de schizophrénie littéraire...
De mon côté, je ne suis toujours pas sûr d'avoir vraiment compris. Comment faire la différence entre une locution qui est scindée en deux volontairement du hiendadyn artificiel , du hiendadyn soumis et subi ?? En quoi la fraîcheur du lac et son air pourraient-ils être réunis?? "son air frais"?
Pour l'utiliser et briller
" Pierre est vraiment un moulin à paroles, et, qui plus est, a très souvent recours à l'hendiadyn. Ne pourrait-il pas faire des phrases courtes et aller droit au but?"
" L'autre fois j'ai rougi pendant la réunion d'équipe et du coup j'ai fait un hiendadyn pour me rattraper : ils ont kiffé le coup du " j'ai fait une présentation et un powerpoint"
ou " trêve de hiendadyn, parlons peu, parlons bien"
Bien évidememment, tout mot fonctionne comme une insulte selon l'intonation et la qualité elliptique de la phrase. Hiendadyn n'échappe pas à la règle : " tu n'es qu'un hiendadyn" " casses-toi, pauvre hiendadyn". Il s'agirait bien là d'une incongruité totale.
Prochain mot : la tmèse.
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